Olivier nous dit, entre autres choses que Tu peux coder comme un cochon ça peut passer inaperçu sur un site pour quelqu’un qui voit, qui entend et qui peut utiliser ses mains.
Transcription
Nicolas : Bienvenue sur le Podcast « Accessibility rules » ceci est l’épisode 4. Je m’appelle Nicolas Steenhout et je parle avec des gens impliqués de près ou de loin avec l’accessibilité web. Si l’accessibilité vous intéresse, ce podcast est pour vous.
Merci à Access42 de sponsoriser la transcription de cet épisode. Access42 est une société de conseils, d’audits et de formations spécialisées en accessibilité numérique. Elle a pour mission de rendre le web accessible aux personnes en situation de handicap. Vous pouvez les retrouver sur leur site https://access42.net.
Aujourd’hui, je continue ma conversation avec Olivier Nourry. Si vous n’avez pas écouté la première partie la semaine passée, ça vaut vraiment la peine.
Olivier nous en a dit beaucoup au sujet de sa philosophie, de comment il en était arrivé à faire de l’accessibilité web et sa vision de « pourquoi on doit faire l’accessibilité web ».
Donc Olivier, bienvenue.
Olivier : Merci !
Nicolas : Commençons par quelque chose d’assez positif : quelle est ta plus grande réalisation au sujet de l’accessibilité web ?
Olivier : Euh … Je ne suis pas certain d’avoir réalisé quoi que ce soit sur lequel je pense que je peux dire : « ça y est, j’ai fait quelque chose ! J’ai abouti ! ». Après je suis très content du travail qu’on a fait pour l’État français. C’était un travail collectif : moi j’étais juste coordinateur. Je n’étais pas un des artisans opérationnels – si tu veux – du sujet.
Mais ce que l’on a fait, le corpus de ressources que l’on a créé pour l’Etat, c’est quelque chose qui est très intéressant, qui est très méconnu aussi : parce que bon, ce ne sont pas les champions du Marketing. Mais ce qu’on a fait, en tout cas, quand on le présente à des gens que l’on forme ou à des clients, ils disent : « ah ben super, c’est exactement ce qu’il nous fallait ! ». C’est fait dans un langage clair, c’est orienté métier, il y a différents sujets qui sont abordés : que ce soit le mobile, que ce soit les bibliothèques JavaScript, l’accompagnement des manageurs, des choses comme ça. Donc c’est très varié, c’est très intéressant. Et ça, je pense que c’est vraiment un point marquant de ma carrière. Je n’irai pas jusqu’à dire que j’en suis fier parce qu’en fait j’ai juste fait mon travail mais c’est quelque chose qui laisse une trace, une jolie trace. Je suis content qu’on l’ait fait, ça a permis aussi de créer d’excellentes relations avec mes collègues du groupement et aujourd’hui encore on travaille beaucoup ensemble. Et notamment, on est sur un marché d’accompagnement également : cette fois ci on fait des audits, on fait du support technique etc. pour des ministères, pour des administrations au travers d’un gros marché qui a été lancé par la direction des achats de l’État en France. Et donc voilà, on continue notre action d’une autre manière et on continue à aider les administrations françaises à progresser sur le sujet.
Nicolas : Tu dis ne pas être fier de ça parce que tu faisais seulement ton travail mais n’est-ce pas possible d’être fier d’un travail bien fait ?
Olivier : Oui oui oui. Bien sûr. C’est peut-être très présomptueux ce que je vais dire mais : quand je suis sur quelque chose, quand on me confie une tâche, je fais toujours mon maximum et donc je le fais jusqu’à satisfaction de la personne qui le demande, même si cette personne c’est moi. Quand je me lance dans un truc, je ne me contente pas de faire ce qui est juste le minimum : j’essaie vraiment de faire un cran plus loin. Donc je pourrais être fier de quasiment tout ce que j’ai fait dans ma vie si tu veux : ça serait très très présomptueux. Mais en tout cas voilà, j’estime que quand on est professionnel on se doit de faire le travail qu’on nous a demandé et d’avoir le petit bonus qui permet de laisser un bon souvenir aussi.
Tout ce que je fais je suis à fond. Mais je pense que ce que je préfère, je t’en parlais la semaine dernière, ce sont les formations parce que c’est là aussi que tu crées l’envie, tu crées le déclic chez les gens et tu en fais des alliés pour le futur : parce que moi je suis un piètre développeur, je suis un graphiste absolument nul, mais je travaille avec des gens de grand talent dans ces domaines-là et quand j’arrive à les convaincre et à les emmener dans mon « délire » très clairement j’apporte quelque chose à mon domaine parce que des gens qui vont avoir à la fois le talent et la capacité à « faire accessible ». Et je sais juste convaincre les gens c’est tout : faire ce n’est pas trop mon truc. Mais j’espère que j’ai essaimé suffisamment pour faire en sorte que les choses progressent. Alors ce sont de tous petits pas, mais si on est plusieurs à le faire déjà c’est intéressant.
Nicolas : Je crois que ce travail d’évangéliste qui converti les gens à l’idée que l’accessibilité est importante est un travail critique parce que tant qu’on n’a pas de gens qui ont justement cette lueur de compréhension qui commencent soudainement à se dire « ah oui, non seulement, je dois le faire » mais « je peux le faire et je comprends pourquoi le faire » et tout d’un coup ce n’est plus « je dois le faire » mais « je veux le faire ». Je crois que c’est très important de pouvoir faire ces conversions-là.
Olivier : Oui. Oui tout à fait oui. Moi c’est vraiment ce qui me mène. Après parfois ce n’est pas possible, il y a des gens qui sont réfractaires mais on se rend compte que la plupart des gens ont ce qu’il faut d’empathie pour se dire « mais oui, effectivement, je ne peux pas me contenter d’ignorer la question à partir du moment où je le sais. Voilà, je ne peux plus faire comme ci. ». D’ailleurs, j’ai vu des gens, des collègues, qui découvrant l’accessibilité trouvaient aussi un nouveau sens à leur travail, qui étaient graphiste ou développeur et qui le faisaient pour toucher un salaire à la fin du mois, et qui tout d’un coup allaient au travail avec une raison d’y aller, une vraie raison, pas uniquement pécuniaire.
Nicolas : J’avais parlé avec Sina Bahram l’an passé et il m’avait dit quelque chose qui m’avait marqué. Je le savais mais je ne l’avais jamais présenté de cette manière-là. Il disait lui : « Nous n’avons pas de problème d’accessibilité, le problème que l’on a c’est un problème de sensibilisation. » Et je crois que ce dont on vient de parler, c’est un peu ça.
Olivier : C’est ça ! Tout à fait.
Nicolas : Quel est ton mot favori ?
Olivier : Je vais faire le malin : liberté.
Nicolas : Liberté. D’accord. Pourquoi ?
Olivier : Alors parce que ça regroupe tout ce qui m’est cher dans la vie. C’est ce à quoi on devrait tous avoir droit. C’est aussi une règle de vie pour vivre ensemble. Puisque la liberté ce n’est pas faire n’importe quoi. C’est aussi agir dans un cadre qui permet à tous d’être libres et non pas à certains. Donc je pense que ça me définit pas mal ou en tout cas au niveau de ce que je voudrais avoir dans ma vie et puis de ce que j’aimerais voir aussi dans la vie de tous les jours. La liberté d’être soi. La liberté d’avoir une couleur de peau qui n’est pas la même que tous les autres, la liberté de ne pas avoir le corps comme tous les autres. Tout ça c’est un principe très fort, très profond qui a des ramifications dans tout ce que l’on peut dire ou faire. En plus ça fait partie de la devise de la France. Donc je n’ai pas si mal choisi je crois.
Nicolas : On parlait de tes plus grandes réalisations, de ce qui te rendait le plus fier. D’un autre côté, quelle est ta plus grande frustration en ce qui a trait à l’accessibilité ?
Olivier : C’est d’avoir pas assez de temps pour faire tout ce que j’aimerais faire. J’ai toujours plein d’idées dont certaines que je traine depuis 10 ans déjà. Des fois je retrouve des brouillons d’articles ou des projets de cahier des charges que j’ai sur mon ordinateur depuis des années et je me dis : « mais c’était une super idée ça ». Mais je n’ai jamais eu ni le temps, ni l’énergie, ni l’argent pour lancer ça. De temps en temps quand je vois une opportunité d’en parler j’en parle à des gens, mais voilà. Il y a des choses que j’aimerais lancer un jour. Mais c’est ça : pas pouvoir faire tout ce que j’aimerais faire.
Nicolas : Mais si tu arrêtes de dormir tu aurais du temps.
Olivier : Mais j’y ai pensé figure toi. J’ai pensé à me faire mordre par un vampire ou quelque chose comme ça mais je trouvais ça un peu extrême.
Nicolas : Oui, juste un peu. Mais bon, ça te permettrait de travailler avec des clients à l’étranger qui ne sont pas dans le même fuseau horaire que toi.
Olivier : C’est vrai que vu comme ça, ça peut avoir un effet bénéfique sur le chiffre d’affaires tu as raison.
Nicolas : Ouais. Pourquoi penses-tu que les gens se cassent la gueule quand ils essaient d’implanter l’accessibilité dans leur travail ?
Olivier : Est-ce qu’ils se cassent la gueule tous ? Tu veux dire, ceux qui se cassent la gueule, pourquoi est-ce qu’ils se cassent la gueule en fait ?
Je pense qu’il y a des tas de raisons qui sont propres à chacun. Moi j’ai constaté souvent que les gens se font beaucoup d’idée et d’a priori. Ils ont souvent peur de possibles difficultés techniques ou en tout cas de ce qu’ils perçoivent comme des difficultés techniques. On leur parle de lecteur d’écran et pour eux c’est un monde à part et ils n’envisagent pas de pouvoir faire fonctionner ces trucs-là en fait. Il y a des gens qui imaginent qu’ils vont devoir coder en braille. Moi j’ai déjà entendu ça : « moi je ne sais pas coder en braille ».
Nicolas : Ah oui quand même !
Olivier : Ah oui oui, je ne sais pas coder en braille, on m’a dit ça une fois. Et donc voilà après en expliquant les bases et en relativisant tout ça : que l’image c’était l’alternative du texte qui l’accompagne, qu’une vidéo à sous-titrer, on s’en fait tout un monde mais tous les gens qui font des sous-titrages de série à télécharger le font très bien et du jour au lendemain. Donc pourquoi on ne pourrait pas le faire pour le web. Il s’agit toujours de dédramatiser.
Des fois je demande « combien ça couterait selon vous de sous-titrer une vidéo d’une minute ? ». Il y a des gens qui me répondent : « ben, une demi-journée quelque chose comme ça. ». Donc j’essaie vraiment de les aider à relativiser ça. Surtout en formation, en donnant des exemples de choses concrètes et pragmatiques pour arriver à un résultat tout à fait satisfaisant. Je pense que souvent les gens se font peur pour pas grand-chose en réalité. Et puis ils découvrent ça – c’est un problème qui est plus profond : ils découvrent parfois qu’en fin de compte le HTML c’est pas quelque chose de si anodin que ça. On ne peut pas faire n’importe quoi sinon derrière on doit démêler des choses qui n’auraient jamais dû être là. Et je pense que ça aussi, de devoir revenir à la base, aux bases de ce que l’on croyait connaitre, des fois ça peut effrayer, voire rebuter. Et puis finalement, il y en a qui se disent : « avant je codais comme un cochon maintenant on me demande de coder mieux pour faire l’accessibilité donc bon … si je ne fais pas l’accessibilité je peux continuer à coder comme un cochon et personne ne se rendra compte de rien. ». Ce qui est malheureusement vrai. Tu peux coder comme un cochon ça peut passer inaperçu sur un site pour quelqu’un qui voit, qui entend et qui peut utiliser ses mains.
Je crois que c’est ça aussi souvent. Les gens ont du mal à comprendre le sens de l’effort qu’il y a à faire et plus cet effort est important par rapport au niveau duquel ils partent et plus la force de conviction doit être grande. Et si les gens ont pas compris, encore une fois, le sens même de l’accessibilité : que ce n’est pas simplement un « nice to have », c’est vraiment un besoin fondamental. Tant qu’ils n’ont pas intégré cela, cet effort il n’a pas de sens, il ne se justifie pas. Et s’ils ne savent pas le dire à leur manageur non plus, leur manageur ne va pas leur accorder le temps et les formations nécessaires. Donc voilà, c’est tout un ensemble de mentalités à faire évoluer. Je pense que c’est de ça que viennent des blocages profonds contre l’accessibilité.
Nicolas : Tu disais les gens se font des peurs, mais la plus grande peur revient peut-être à ce dont on parlait il y a quelques minutes : c’est la peur de l’inconnu, quand on ne connait pas ça on ne sait pas comment y aller et ça nous fait peur.
Olivier : Oui c’est vrai, et puis en plus on a aussi quand on ne connait pas le monde du handicap, on a une représentation qui est souvent caricaturale : on pense tout de suite « fauteuil roulant ». Quelques personnes vont penser à la cécité mais rarement à la surdité. Mais tout de suite on imagine des situations extrêmes alors que si l’on regarde bien je suis sûr que la majorité des gens ont un motif de handicap mais juste ils ne s’en rendent pas compte ou ils ne le considèrent pas comme tel.
Nicolas : Mais ça se rapproche beaucoup au concept du handicap qui est causé par une société non-accessible. Donc le handicap ce n’est pas que j’utilise un fauteuil roulant mais le fait qu’il y aient toutes sortes de marches pour rentrer dans les bâtiments. Le handicap ce n’est pas que mon copain est aveugle mais c’est qu’il n’y a pas de menu en braille ou il n’y a pas d’accommodations et ce genre de chose-là. Donc on parle vraiment de situations handicapantes plutôt que de handicap pour la personne-même.
Olivier : Tout à fait, c’est quelque chose qui est mal compris. Moi j’ai été très surpris, ça a été une de mes grandes leçons – je t’en parlais la semaine dernière d’une révélation il y a quelques mois – de la dimension politique attachée au handicap et du coup à l’accessibilité. Et donc notamment le fait de vivre en société versus aider, faire la charité, etc. Vraiment je me suis rendu compte à quel point chez certaines personnes, notamment sur Twitter qui est propice à ça, les gens pouvaient être sur des modèles complètement périmés de dire : « la nature punit le handicap en faisant mourir ceux qui sont handicapés ». J’ai trouvé ça affolant … ce n’est même pas l’âcreté en fait, c’est par pure ignorance et ce sont des gens qui croyaient vraiment en ce qu’ils disaient parce qu’ils estimaient que voilà : handicap = non viable. Et ça c’est terrible parce que quand on veut expliquer ça et qu’on essaie d’expliquer : moi je suis porteur de handicap mais qui ne m’empêche pas de faire grand-chose – paradoxalement il m’empêche de faire certaines choses mais en tout cas j’ai plein d’autres capacités – ils ont du mal à comprendre ça. C’est-à-dire qu’ils sont vraiment sur un modèle où, en France on établit à peu près à 12 millions le nombre de personnes handicapées, pour ces gens-là, ils disent « mais ce n’est pas possible car je ne croise pas tant de personnes que ça en fauteuil roulant ou avec une canne blanche ». Ils ne réalisent pas en fait la réalité du handicap. Je dirais que malheureusement tant qu’on a pas cette accessibilité-là, tant qu’on ne l’impose pas, ça va perdurer parce que en fait, si les gens ne croisent pas de personnes handicapées au travail c’est qu’elles n’ont pas accès au travail non plus. Si on n’en croise pas au cinéma, c’est parce que les cinémas pour les aveugles ne sont pas accessibles, même pour les fauteuils roulants ou même pour les gens avec une canne. Donc évidement on a l’impression que les personnes aveugles ne veulent pas aller au cinéma mais en fait c’est qu’elles ne peuvent pas car ce n’est pas accessible. Donc en fait, on est dans un cercle vicieux comme ça. Tant qu’on aura pas cassé un peu ce cercle, on aura du mal à faire progresser les gens et notamment à leur faire comprendre qu’eux même peut-être sont handicapés et ne le savent pas. Quelqu’un qui a une dépression par exemple, ça crée des situations de handicap. Des gens se disent : « oui ben j’ai une dépression mais bon » mais ils ne se rendent pas compte que si on se base vraiment sur le modèle social du handicap cette dépression leur crée des problèmes qui sont de type « handicap ». Et juste le mot fait peur. Moi je connais quelqu’un qui a 6 ou 7 motifs de handicap et qui m’a dit : « je ne demande pas la reconnaissance car je ne veux pas qu’on pense que je suis handicapé ». Alors que je lui dis mais pourquoi ? Tu es handicapé de toute façon. Donc on a beaucoup à travailler sur les mentalités et du coup c’est vrai que l’accessibilité c’est ce que disait Sina très justement, l’accessibilité c’est pas le sujet. C’est plutôt : comment on arrive à expliquer que cette accessibilité là c’est une nécessité et qu’à partir de là il faut le faire et puis c’est tout.
Nicolas : C’est définitivement un défi mais est-ce que c’est le plus grand défi pour l’avancée de l’accessibilité du web ?
Olivier : Je crois vraiment qu’on aura résolu une bonne partie du problème. Ou en tout cas qu’ils se résoudront d’eux même à partir du moment où on aura intégré ça. Ça prendra peut-être une génération. Peut-être que d’ici là le web peut-être que ça n’existera plus sous la forme que l’on connait aujourd’hui. Mais très clairement l’évolution des mentalités elle est nécessaire et que tant qu’on est sur « traiter le problème juste par l’angle technique » ben, voilà on est une goutte d’eau dans l’océan et les autres continuent à amener des citernes d’eau de contenus inaccessibles et nous, on corrige un « alt » ici, un « sous-titre là » et c’est tout. Donc on n’aura pas cette puissance, cette capacité à tout traiter tant qu’on aura pas effectivement à la base les gens qui fabriquent, qui font le web qui sont conscients et qui font ce qu’il faut, ce qu’ils doivent faire. Pour moi vraiment c’est le chemin qu’il faudrait pouvoir suivre un jour et je ne sais pas si aujourd’hui les gens qui font l’accessibilité qui sont essentiellement des gens comme moi, comme toi peut-être : on découvre le sujet et on s’y passionne. On le fait avec nos outils à nous. C’est-à-dire, moi le code, d’autres se sera avec le graphisme. Mais voilà, tant qu’on est nous sur notre petit terrain à nous c’est très difficile de faire changer les choses. C’est pour ça que j’essaie de vraiment monter à l’échelon de la prise de conscience pour démultiplier l’action.
Nicolas : Les nouvelles technologies : l’intelligence artificielle, etc. Quelle part est-ce que ça prend dans l’accessibilité web.
Olivier : Alors figure toi que j’ai fait une conférence là-dessus en 2015 à Paris Web qui s’appelait « Le jour où l’on aura plus besoin de l’accessibilité ». Donc c’était un petit peu optimiste j’avoue, mais je me basais sur l’idée qu’une technologie d’assistance qui aurait le même niveau de compréhension qu’un être humain des choses, de ce qu’elle lit, de ce qu’elle découvre pourrait finalement se substituer à l’aide humaine entièrement. Si on pense que par le passé les aveugles lisaient parce qu’il y avait quelqu’un qui lisait pour eux, qui lisait exactement tout ce qu’il y avait dans le journal ou dans un livre. On se dit qu’un lecteur d’écran qui ferait exactement ça et qui comprendrait exactement comme le fait un être humain qui n’a pas de problème de perception visuelle, ça pourrait se substituer à un lecteur humain et si on élargit ça aux sous-titres, si on savait sous-titrer aussi bien qu’un être humain, finalement si un logiciel peut le faire et bien tant mieux. Ça évitera d’avoir à embaucher des gens très chers. Il y a aussi un autre aspect intéressant avec l’intelligence artificielle c’est qu’elle est neutre : elle ne porte pas de jugement ou elle ne filtre pas en fait.
Nicolas : Pour l’instant.
Olivier : Oui, pour l’instant. Après quand elle aura acquis la conscience : est-ce que cela sera toujours vrai ? Ce n’est pas sûr. Et puis on aura toujours ce fameux biais de l’intelligence artificielle qui part sur des données et ces données sont celles fournies par les créateurs de l’intelligence artificielle. On a vu des choses assez troublantes là-dessus. Mais en tout cas voilà, moi mon postulat c’était dans cette conférence qu’un jour on aurait une intelligence artificielle qui aura atteint le niveau de perception, ou en tout cas la capacité d’un humain je dirais « valide », pour faire simple. Aussi la capacité de compréhension : ça c’est le plus dur. C’est-à-dire, acquérir une culture finalement. Lorsque nous on voit un jeu de mot on comprend parce qu’on a la culture qui permet de comprendre ce jeu de mot. Et si on ne comprend pas c’est parce que l’on a pas la culture justement. On va arriver peut-être à un moment où l’on aura des logiciels qui seront l’équivalent d’un humain cultivé au sens le plus basique du terme : qui a vécu, qui a acquis, qui a regardé la télé, qui a lu des livres pour enfants etc. Et qui donc a l’intelligence d’un adulte raisonnablement éduqué. Et à partir de là, finalement, cette intelligence artificielle pourrait être utilisée comme technologie d’assistance. Et on voit déjà, moi je suis très fan de tout ce qui est assistants digitaux comme Siri, etc et je vois les services que ça rend quand ça marche. Le gain de temps et le gain d’efficacité qu’on a lorsque l’instruction est comprise c’est magique. Et si on arrive à rendre ça sans faille, c’est vrai que l’on aura certainement beaucoup moins de difficultés à rendre une interface accessible et enfin, donc c’était la conclusion aussi de ma conférence, c’est qu’enfin on pourra travailler, non pas juste sur l’accessibilité mais sur l’expérience utilisateur et la qualité de l’expérience utilisateur. On parlait de frustration dans une autre partie du podcast : une de mes frustrations aujourd’hui c’est que je suis vraiment contraint à corriger des problèmes basiques, à les réexpliquer mille et une fois alors que j’aurais adoré pouvoir passer plus de temps à échanger avec les utilisateurs sur leur ressenti, améliorer des choses fines comme ça tu vois, des choses complexes. Ça c’est l’idéal. Quand j’arrive sur un projet et que j’arrive à ce stade là c’est qu’on a déjà fait tout ce qu’il y avait avant ou que les gens sont déjà au top niveau de la conformité, des standards. Et malheureusement, c’est une rareté. C’est encore une grande rareté aujourd’hui.
Nicolas : Alors fait nous une prédiction Olivier, dans combien de temps est-ce que l’intelligence artificielle va pouvoir prendre la relève ?
Olivier : Alors j’avais même avancé une date, j’avais avancé 2029.
Nicolas : 2029. D’accord. Alors je prends note et je reviens te voir à cette date-là.
Olivier : Avec plaisir.
Nicolas : Dernière question pour toi, qui est quand même assez importante, de quoi les gens devraient-ils se souvenir quant à l’accessibilité web ?
Olivier : Je vais avoir l’impression de me répéter mais c’est que ce n’est pas un luxe, que ce n’est pas une option. C’est vraiment une condition nécessaire pour plein de gens, vraiment plein de gens, à juste faire la même chose que tout le monde. Et c’est juste ça qui compte en fait. C’est à partir de là que tout le reste s’enchaine. A partir du moment où on a compris ça, ça devient juste, le reste c’est que de la technique et ce n’est pas plus difficile voire même plus facile que des tas d’autres choses bien plus complexes liées à la gestion d’un site web, quoi.
Nicolas : Merci.
Olivier : Mais je t’en prie.
Nicolas : Olivier merci d’avoir passé ton temps avec moi à discuter de ça. J’ai bien apprécié la conversation et j’aime bien avoir ce son de cloche du côté de la France pour une fois.
Olivier : Et bien merci à toi, c’est un vrai plaisir également.
Nicolas : Et pour tous ceux qui ont écouté ça, n’hésitez pas à nous laisser des commentaires sur Twitter ou ailleurs pour continuer la conversation.
Merci d’avoir été à l’écoute. Si vous avez aimé ce podcast je vous invite à en parler avec vos amis et vos collègues. Il y a une transcription disponible sur le site du podcast sur https://a11yrules.com.