Dans ce premier épisode du podcast en français, je discutte d’accessibilité et de qualité avec Elie Sloïm.
Mais avant de passer à l’entrevue, un petit mot pour vous présenter mes excuses. L’implémentation du podcast en français implique bien plus de petites roues que prévu dans l’engrenage et nécéssitera la création d’un site séparé. Donc, pour il faut passer outre les problèmes de changement de langue en ce moment.
Transcription
Nicolas: Bienvenue sur le podcast ‘A11y Rules’’, ceci est le premier épisode. Je m’appelle Nicolas Steenhout et je parle avec des gens impliqués de près ou de loin avec l’accessibilité web. Si l’accessibilité vous intéresse, ce podcast est pour vous. Une transcription est disponible sur le site du podcast à https://a11yrules.com.
Aujourd’hui je réalise ma première entrevue en français pour le podcast ‘A11y Rules’, mon invité est Elie Sloïm. Bonjour Elie !
Elie : Bonjour Nicolas !
Nicolas : Merci d’avoir accepté d’être mon invitation et de passer sur le podcast pour parler de l’accessibilité web en français. J’aime bien que mes invités se présentent aux-même, donc en bref, qui est Elie Sloïm ?
Elie : Alors, je suis dirigeant et fondateur de la société Opquast, une société qui s’intéresse à la qualité des sites internet. Au départ je suis chimiste, qualiticien avec une formation supérieure dans le domaine de la gestion de la qualité, de l’assurance qualité, plutôt en laboratoire. Et puis, au fur et mesure, j’ai commencé à m’intéresser à la qualité du web et j’ai notamment dû m’intéresser à l’accessibilité, que je traite parmi les sujets fondamentaux qui constituent la base de la qualité du web pour les utilisateurs.
Nicolas : Merci, c’est un intéressant parcours.
Elie : C’est gentil.
Nicolas : Dis-nous quelque chose à ton sujet que la plupart des gens ne saurait pas.
Elie : Ah… qu’est que je pourrais te dire… et bien, je ne sais pas… que j’ai travaillé dans le pétrole et dans le domaine du vin, donc quand j’étais chimiste. Donc, peut-être que certains le savent déjà, que j’ai travaillé dans le domaine du vin, ça fait partie des passions qui sont quand même affichées. Mais voilà, peu de gens savent que j’ai travaillé aussi dans le domaine du pétrole et là ce n’était pas pour le voir, c’était plus pour l’analyser.
Nicolas : Oui, oui, j’imagine que ce n’est pas tout-à-fait pareil faire la qualité du pétrole et faire la qualité du…
Elie : C’est ça, c’était un peu différent. Donc voilà…
Nicolas : Voilà. Donc, ça fait un an que je fais ce podcast et à chaque personne à qui je parle, je demande, c’est quoi la définition de l’accessibilité web et à chaque fois j’ai une définition qui varie un peu d’une chose à l’autre, alors, quelle est ta définition de l’accessibilité web, c’est quoi ?
Elie : Moi j’ai vraiment besoin d’avoir une définition très claire, parce que très souvent c’est un sujet qui est très mal compris, ou qui est compris de manière très différente en fonction de mes interlocuteurs, donc, pour moi, très clairement, en tout cas quand j’en parle, c’est l’accessibilité des sites web ou des outils numériques aux personnes handicapées. Par extension, je considère que ça s’étend aussi aux machines, faire en sorte que le contenu passe dans les machines que les personnes handicapées sont susceptibles d’utiliser, voilà. Donc moi, j’associe vraiment l’accessibilité aux personnes handicapées. J’entends très souvent des gens me dire ‘’est-ce que le site web est accessible ?’’ en fait ils pensent que le site c’est accessible depuis le monde entier. D’autres fois voilà…
D’ailleurs j’ai une petite anecdote, hier j’ai expliqué ça à un ami et je lui disais : ‘’il y a une différence entre la façon dont on en parle entre professionnels et la façon dont on peut travailler en public. Par exemple, lorsque deux personnes qui travaillent dans l’automobile parlent de couple, ils entendent le couple d’un moteur et si par contre s’ils parlent de leurs vies personnelles peut-être ils parleront d’un autre couple. On a souvent des problèmes pour se comprendre dans le secteur. Donc, pour moi l’accessibilité, pour revenir au sujet, c’est l’accessibilité aux personnes handicapées. Je préfère travailler de manière globale sur la qualité des sites internet. Cette notion, de son côté, correspond plus à la définition qui a longtemps été utilisée pour l’accessibilité dans le premier principe du W3C qui est mettre le web à la disposition de tous les individus, quel que soit leur localisation, leur culture, et puis, entre autres effectivement leurs aptitudes physiques ou mentales.
Je fais bien la différence parce que souvent le sujet que je traite, la qualité, est confondu avec le sujet de l’accessibilité, ce qui n’enlève rien à aucun des deux sujets, mais ce sont des choses qui sont sensiblement différentes.
Nicolas : En effet, j’allais te demander, bon, tu ne fais pas l’accessibilité web à longueur des journées. Comment est-ce que tu intègres le travail d’accessibilité dans ton rôle de qualité ?
Elie : Je le traite dans la famille des risques utilisateur. C’est-à-dire que pour moi, et on en avait déjà discuté quand tu m’avais interrogé en anglais, je vais considérer qu’on a tous les utilisateurs en face de nous avec une diversité considérable de contextes de navigation. Parmi ceux-ci j’ai des personnes handicapées, mais parmi ceux-ci j’ai aussi une grand-mère ou un grand-père qui est en difficulté pour sortir sa carte bleue, et qui va avoir des problèmes, une personne qui ne sait pas lire, qui est illettrée et qui va avoir des soucis pour récupérer le contenu, des gens qui ne comprennent pas ce qui se passe, des personnes qui ont des difficultés pour utiliser le web. Je vais essayer, dans le domaine de la qualité, d’essayer de traiter l’ensemble des risques utilisateur, sans me préoccuper de certaines personnes plus que d’autres. C’est-à-dire que je considère qu’en tant que professionnel, nous devons être capables de traiter les personnes handicapées, les personnes illettrées, les personnes qui ont des difficultés, les personnes qui sont en bas débit. Il ne faut pas laisser les personnes sur le bord de la route.
Donc, pour moi, l’accessibilité fait partie des risques fondamentaux, au même titre que les questions de données personnelles, au même titre que les questions de sécurité, qui ne sont d’ailleurs pas du tout indépendantes. Donc, mon travail c’est de faire en sorte de développer le professionnalisme. Voilà comment je travaille.
Nicolas : Je formule une question dans ma tête… une des choses qui semblent énerver beaucoup de gens dans les spécialistes de l’accessibilité web, c’est ce concept que certaines personnes moins inclues quand on parle de l’accessibilité, on dit souvent ‘’mais l’accessibilité web ? Bon, oui c’est pour les personnes en situation d’handicap d’abord et avant tout’’ mais, ça bénéficie à tout le monde. On parle de contraste de couleurs, le texte gris sur un fond plein gris ce n’est pas bon pour les personnes qui ont une faible vision, mais ce n’est pas bon non plus pour nous, si on regarde notre téléphone à l’extérieur. Ton approche de qualité me semble se rattacher à ça d’une certaine manière. Parle-moi un peu plus.
Elie : Oui alors, c’est un peu délicat de parler de ces questions de bénéfice induit parce qu’on est… comment dire… laisser penser que l’accessibilité bénéficie à tous pourrait à priori laisser penser que si on s’occupe de tout le monde, on ne s’occupe pas spécifiquement des personnes handicapées. Moi, je suis assez à l’aise avec ça. Je refuse de faire une différence par exemple, entre les personnes qui sont reconnues handicapées et des gens qui sont autour de moi et qui ne le sont pas. Je vais prendre par exemple, des publics qui sont sourds. Des experts accessibilité top niveau vont affirmer sans le moindre problème que des sites sont parfaitement accessibles aux personnes handicapées tout en sachant qu’ils vont laisser des personnes sur le bord de la route. Moi je n’ai pas de problèmes avec ça. La seule chose que je veux faire c’est de faire en sorte que le web marche pour tous les usagers. Cette question des bénéfices induits est souvent utilisée pour convaincre des gens qui ne veulent pas y aller, c’est vrai que mon expérience montre que souvent l’accessibilité toute seule, et le fait que ce soit un droit, n’a pas été suffisant, tout simplement parce qu’il n’a pas de sanction. Ça fait 20 ans qu’on tourne autour du sujet et il n’y a pas de sanction. Donc quelques fois on a été obligé de faire bouger les gens en leur expliquant que ça serait utile à tout le monde, que ça serait utile peut-être non pas à la personne qu’ils sont actuellement mais à la personne qui seront dans 20 ans. Ils auront un problème, peut-être que ça servira à leur fille, à leur fils, à leurs enfants, à leurs mères, à leurs grand-mères. En fait, quelque fois on essaie de faire en sorte que les gens aient de l’empathie pour les autres et quand on n’y arrive pas, on essaie de faire en sorte qu’ils aient de l’empathie pour eux-mêmes. Et puis, quelques fois, on est même obligés de faire appel à de bas arguments, business etc… être obligés de faire passer l’accessibilité sous couvert d’amélioration du SEO ou de l’amélioration du référencement, ou de facilité de compréhension par les machines… moi… du moment que les choses sont faites. Il m’arrive quelques fois d’être en position de dire -souvent face à des experts accessibilité d’ailleurs – que ces experts donnent l’ impression qu’ils vont défendre les personnes handicapées mieux que moi, Hé bien oui, ils défendent les personnes handicapées mieux que moi.
Moi, mon boulot c’est que le site soit bon pour tout le monde. C’est mon travail, peut-être que je ne suis pas un très bon défenseur des personnes handicapées, là où c’est plus difficile c’est quand on commence à me laisser entendre que je nuis à ce sujet… là ça passe moins bien, mais bon. Grosso modo je pense que sur ce sujet on a besoin de plein de gens qui travaillent sur plein de sujets, il y a des gens qui sont plus ou moins radicaux. On s’entend très bien avec l’écrasante majorité des experts accessibilité, certains jouant un rôle un peu plus militant que d’autres, on arrive toujours à discuter, voilà.
Nicolas : Mais, ça prend des militants et ça prends des gens qui… je crois qu’il faut avoir plusieurs discours et approches différents pour pouvoir vraiment bien cercler la chose et arriver à ce que le web soit accessible.
Elie : C’est ça. Pour l’instant, moi ce que je vois, c’est que c’est 20 ans que c’est un droit, et ça fait 20 ans que les fondements de base, qu’ils soient pour les personnes handicapées ou simplement des bonnes pratiques de développement, la prise en compte des utilisateurs de base, […] ce n’est toujours pas intégré dans le savoir-faire de base que doivent connaître des professionnels du web et ça me scandalise parce que je viens du secteur industriel où quand même on capitalise et bien on peut le tourner en tous les sens, les sites ne sont pas bons. On peut être scandalisé parce que c’est un droit, on peut être scandalisé parce que ça exclut les gens, on peut être scandalisé aussi parce que… on va travailler comme ça pendant des années, ça ne va pas. Et c’est vrai pour l’accessibilité mais c’est tout-à-fait vrai pour les bases de la sécurité, c’est vrai pour les problématiques de prise en charge des données personnelles. Voilà, il y a plein de choses qui sont pour moi inadmissibles dans notre secteur. Et on sent qu’il faut quand même essayer de faire monter le secteur à un niveau un peu plus costaud. Ne serait qu’en termes de prise de conscience, quand bien même les choses ne sont pas faites, mais au moins, on arrête de réinventer la roue en permanence.
Nicolas : Ouais. Quand et comment es-tu devenu conscient de l’existence de l’accessibilité et de son importance ?
Elie : J’ai commencé à travailler sur la qualité du web parce que j’étais vraiment outré aux alentours de 2000. En fait, l’importance de l’accessibilité ne m’est apparue que beaucoup plus tard, c’est-à-dire en 2003 ou 2004, grâce notamment à l’association BrailleNet et à mon collègue Eric Gâteau. Comme on avait attaqué sur l’angle de la qualité, sur l’angle globale, c’est-à-dire en gros, il s’agit de faire en sort que le site soit facile à trouver, qu’il soit facile à utiliser, qu’il fonctionne et que les contenus et les services soient de bonne qualité. On n’était pas en train de s’intéresser à des catégories spécifiques d’utilisateur. Et, c’est un des grands mérites de l’association BrailleNet en France, c’est qu’ils ont réussi à faire émerger en France cette question de la prise en compte des besoins des personnes handicapées, notamment aveugles, notamment non-voyants. Mais, c’était déjà un travail énorme, c’est comme ça que j’ai pris conscience de ce travail-là.
Nicolas : Comment est-ce que ta perception de l’accessibilité a changée depuis 2003, donc dans les 15 dernières années ?
Elie : Hmmm… elle n’a pas beaucoup changé. Alors, il y a deux façons de me voir, comme la personne qui répète les mêmes bêtises depuis 20 ans, ou comme une personne qui répète des choses pas trop bêtes depuis 20 ans. J’espère qu’on est plutôt dans le deuxième cas. Je continue à refuser de traiter la qualité du web sous l’angle de catégories de personnes spécifiques. Je veux que le web soit accessible à tous. Je ne veux pas seulement que les contenus soient accessibles aux personnes handicapées mais je veux que les personnes handicapées puissent naviguer de manière rapide et, alors qu’on fera attention à leurs données personnelles. Enfin, je ne veux pas m’intéresser à des catégories spécifiques, je veux m’intéresser aux utilisateurs sous l’angle de la qualité et sous l’angle de la qualité transversale. Donc, l’accessibilité pour moi a toujours été un sujet… Ce sont des référentiels qui sont passionnants, parce qu’ils nous aident à penser, ils nous aident à penser la sobriété, ils nous aident à penser autour des contenus web. Il ne faut pas oublier que les WCAG sont des référentiels centrés sur les contenus. Donc, ils nous aident à nous imaginer ce qui se passe lorsqu’il n’y a plus de design graphique et que le design graphique n’est pas l’essentiel. Ils nous aident à nous recentrer sur l’usage. Qu’est-ce qui compte ? Qu’est-ce qui est important ? J’ai toujours trouvé que c’était un outil de réflexion et un outil professionnel passionnant pour travailler.
Donc, mon boulot c’est de l’utiliser, c’est d’aller chercher dans les standards internationaux notamment, et dans les situations vécues par les personnes handicapées, des choses qui vont nous permettre d’améliorer globalement la vie des utilisateurs. Une autre particularité c’est que je continue à penser qu’il y a un énorme malentendu autour des WCAG, qui sont composés d’un certain nombre de règles vérifiables et binaires, et d’autres règles qui sont beaucoup plus subjectives, beaucoup sujettes à discussion, et qu’on a pris tout le pack, on a pris la totalité de ce référentiel pour en faire des référentiels dédiés à la mise en conformité et à l’obtention de sites, j’insiste… soi-disant accessibles, parce qu’en pratique on se rend compte que même des gens qui ont fait les standards, qui ont mené au bout les standards, mettent de côté un certain nombre de public sans aucun problème. Je pense notamment aux sourds. Donc, je continue à avoir cette vision d’un sujet qui est fondamental, mais en fait, je le traite comme l’ergonomie, la sécurité, la performance, un sujet qui permet de traiter les risques fondamentaux du web.
Nicolas : Tu parles des standards, tu parles de WCAG. Est-ce qu’on peut dire que c’est assez de respecter WCAG, ou suggérons-nous… ?
Elie : Non, mais surtout, je ne connais personne qui respecte WCAG. J’ai vu des gens qui arrivaient à prononcer la conformité de leur site au regard d’un certain nombre de règles, sur un certain nombre de pages, en général des échantillons extrêmement limités. Et ça sert à dire que le site est accessible mais je ne connais pas de sites qui soient intégralement accessibles, tout simplement parce que si on considère l’accessibilité comme un sujet fini, ça veut dire qu’on peut s’en occuper et que c’est fini. Or, les utilisateurs ne viennent pas voir des sites, ils viennent chercher des contenus et des services. Donc, tous les jours on va publier des contenus, ces contenus doivent être le plus accessibles possible. Les référentiels sont là pour que nous produisions les contenus les plus accessibles possibles. Et nous sommes face à un sujet qui est un sujet typique de l’amélioration continue qui est, bah voilà : « on n’est pas bon, on est forcément destiné à s’améliorer et on n’a pas le droit de ne pas travailler sur le sujet ». ‘Il faut travailler sur ce sujet’.
Nicolas : On ne peut pas dire ‘’bon ok, voilà, le job est fait, on ferme la porte et on oublie ça’’. Il faut continuer.
Elie : C’est exactement ça. C’est un sujet permanent. Ces derniers temps je suis même à me dire que le plus gros enjeu de l’accessibilité et des standards qualité aussi, est sur la production des sites, où en fait on a une quantité de non-qualité et de coups de non-qualité, qui font que finalement on n’a jamais le temps de prendre le temps de fignoler, de faire de bon, parce qu’on est tout le temps sous-évalués, on est tout le temps en train de passer un temps fou en train d’essayer de faire des choses qui ont l’air simple, et en fait on perd du temps, on finit toujours les projets, comme on dit en français ‘’à l’arrache’’, c’est-à-dire vraiment limite-limite et on n’a pas le temps de faire propre. On n’a pas le temps de financer la qualité du produit final, donc, je pense que ce sont des outils d’industrialisation absolument formidables et permanents. C’est pour ça d’ailleurs que, selon moi, les outils actuels, qui se développent, qui sont des outils en intégration continue, qui permettent d’améliorer en permanence la qualité et l’accessibilité des sites. Tous les gens qui travaillent sur le contrôle continu, tous les gens qui travaillent sur la responsabilisation des gens qui travaillent dans le secteur. Tout ça c’est bon. C’est dans le domaine de l’industrialisation du sujet, mais ça ne s’arrête pas, c’est comme si on disait ‘’bon, la voiture est de bonne qualité, on arrête de travailler’’, Non, c’est tous les jours, ça ne s’arrêtera jamais, c’est un chemin.
Nicolas : Ouais, c’est un chemin et ce n’est pas isolé non plus. Il faut prendre en compte tous les facteurs et tout le monde. Dis-donc, quand tu en apprenais au sujet de l’accessibilité, as-tu rencontré des barrières ? des blocs qui t’ont fait trébucher un peu ?
Elie : Il y a une bonne barrière technique, mais elle ne me choque pas. Les technologies-client se sont vraiment complexifiées, donc je pense que la barrière technique maintenant est très très très relevée. Alors, déjà qu’on avait du mal à faire en sorte que les gens s’approprient l’accessibilité, là ça devient vraiment très difficile, ça devient un sujet de développeur, alors que ça ne devrait pas être un sujet de développeur, ça devrait être un sujet de tout le monde. C’est un peu ce qu’on essaie de faire avec la qualité web, c’est-à-dire de faire revenir l’accessibilité sous un angle de prise en compte de tous les utilisateurs. Donc, il y avait une vraie barrière technique.
Après, qu’est-ce que je peux avoir comme barrière… Il y avait des choses en 2007 qui étaient simples, qui étaient faciles à comprendre… A, AA, AAA… must, should, may… c’était bien. Bon, à partir de WCAG 2 j’ai commencé à souffrir un peu, parce que j’essayais de savoir pourquoi c’était comme ça… et en fait, on m’a plus ou moins dit que finalement ça dépend. Mais on a gardé quand même ‘’A, AA, AAA’’… j’avais quand même des réserves, parce que ça faisait partie des difficultés, parce que c’est un standard, ce n’est pas juste un truc qu’on s’approprie, c’est aussi un truc qu’on explique. Mon boulot, dans le sens vraiment areligieux du terme, c’est un boulot d’évangélisme. Donc expliquer l’accessibilité et ne pas pouvoir répondre clairement et très simplement à quelqu’un ‘’voilà, A, AA, AAA…mais en fait, maintenant c’est compliqué ».
Nicolas : Ouais, c’est très compliqué en effet.
Elie : Ça m’a posé des tas de problèmes. Voilà ça m’a posé quelques problèmes. Et puis…
Nicolas : Mais oui, c’est ça. Moi aussi, on me pose souvent des questions, et ma réponse souvent, trop souvent même, c’est ‘’ça dépend’’ et puis il faut expliquer, il faut donner du contexte, il faut élaborer, c’est moins qu’évident. Je trouve que la plupart des développeurs, des designers à qui je parle ils veulent bien faire, mais ils ne savent pas comment. Ils se font dire, ils veulent utiliser les WCAG Ils se plantent là-dessus parce que ce n’est pas évident à comprendre tout de suite.
Elie : Mais non, s’il y a un sujet technique costaud quand même.
Nicolas : Ouais, ils viennent nous parler, à nous les experts et puis on leur dit ‘’ça dépend’’ et puis eux ils se lancent. Même si les experts n’arrivent pas à s’entendre, quel est l’espoir pour nous ?
Elie : Il y a un dernier point aussi qui est un peu délicat pour moi. Les standards d’accessibilité sont, selon moi, à tort, considérés comme des outils qui permettent d’assurer l’accessibilité. Ce n’est pas vrai. C’est vrai mais ce n’est pas assez. Récemment, en Californie, à CSUN, j’ai parlé des exemples spécifiques liés à la sécurité, à la gestion des mots de passe. Pour moi un site parfaitement peut contenir des erreurs considérables pour les personnes handicapées, notamment en termes de sécurité, empêcher de copier-coller les mots de passe, poser des problèmes de clavier virtuel complètement accessibles au sens des WCAG, et totalement inutilisables qui vont demander à des personnes handicapées de demander à un assistant ou une personne qui va les aider à se connecter à leur compte bancaire par exemple. On ne peut pas se satisfaire de ces standards. Les standards font partie de notre attirail mais il ne faut surtout pas oublier que les personnes handicapées sont peut-être avant tout, des utilisateurs qui ont besoin qu’on en prenne en compte en tant qu’utilisateur quand ils commandent quelque chose ils ont besoin qu’on les livre. Quand ils demandent une information ils ont besoin d’avoir cette information, ils ne peuvent pas se contenter de dire ‘’ah c’est bon, le site respecte les WCAG’’. Ça ne suffit pas. Et, j’ai vraiment du mal avec ça parce que, je l’avais déjà dit quand j’étais en anglais, j’ai presque l’impression d’être un peu un un traître au livre c’est-à-dire, il y a le livre où il y a une solution toute faire, c’est le livre qui nous permet de faire des choses, et ça serait suffisant ? Non, ce n’est pas suffisant. Il faut aussi qu’il soit rapide, il faut que les biens soient livrés, il faut que le contenu soit bon, il faut que ça soit facile à utiliser, il faut que le site soit facile à trouver parce qu’il y a des produits qu’on cherche et qu’on ne trouve pas. Oui, le référencement fait partie des problématiques des personnes handicapées, enfin voilà. Donc, si tu me parles des difficultés que j’ai à me faire comprendre, là, on est en plein dedans.
Nicolas : Excellent. Écoute… je crois qu’on va arrêter la discussion ici pour le moment, on va laisser les gens penser un peu à ça parce que c’est super important et on se rejoint la semaine prochaine.
Elie : Ça marche, à la semaine prochaine Nicolas.
Nicolas : Merci Elie, à bientôt.
Merci d’avoir été à l’écoute, si vous avez aimé ce podcast, je vous invite à en parler avec vos amis et vos collègues et à la prochaine !